Page:Guyot - L'Inventeur.djvu/180

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l’Électeur de Hanovre, et s’il la refuse, alors que deviendra le fruit de tant d’efforts et de travaux ? Il ne lui restera plus qu’à abandonner et à détruire l’œuvre commencée ; cette nouvelle invention, appelée à révolutionner le monde, devra périr en son enfance faute d’une permission.

La permission n’arrivait pas cependant. Alors Papin, réduit au désespoir, tourmenté par cette idée dévorante, croit pouvoir s’en passer. Le 25 septembre il s’embarque sur la Fulda et arrive à Brème où, en se réunissant, la Fuldaet la Wera forment le Weser.

Là il veut faire entrer son bateau dans les eaux du Weser. Mais les mariniers s’y opposent. Et comme lui, le grand homme, l’homme de génie, s’indignait contre l’imbécillité de ces gens qui ne comprenaient pas son œuvre, et par une stupide jalousie voulaient l’arrêter, faute d’une malheureuse formule administrative ; eh bien ! ces gens mirent sa machine en pièces !

Ah ! dites-le moi, en voyant l’ignorance et une stupide jalousie détruire ainsi le premier bateau à vapeur, ne sentez-vous pas passer dans vos nerfs le frisson d’indignation qui arrête la parole sur vos lèvres, vous étreint la gorge et le crâne et ne laisse échapper qu’un blasphème contre la sottise humaine ! qu’une plainte pour le génie !

Et lui, Papin, déjà vieux, faible, malade, qui comptait sur son bateau pour s’introduire auprès de la reine d’Angleterre, pour obtenir du pain et un asile pour sa vieillesse, pour voir triompher enfin, en grand, dans la pratique, son invention, se trouve privé de toutes ressources, jeté dans la misère !

Il n’a plus de patrie : l’édit de Nantes le condamne à errer hors de France. Il lui reste l’Angleterre ; mais Robert Boyle, son ami, est mort ; les savants avec lesquels il avait des relations sont disparus ou l’ont oublié ; et s’il obtient de la Société royale de Londres quelques secours qui, en l’empêchant de mourir de faim, ne l’en laissent pas moins dans la misère, il ne peut avoir les ressources qu’il lui faudrait