Page:Guyot - L'Inventeur.djvu/184

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Sax venait en France précédé d’une réputation non pas seulement d’habile facteur, mais d’inventeur. Le premier titre eût été jusqu’à un certain point une bonne recommandation : on eût bien pu l’envier, être jaloux de lui, mais on eût cherché à l’employer ; il y avait des ressources avec lui dans ce cas.

Mais il était inventeur ! chose grave, tort impardonnable pour les facteurs et les ouvriers et qui devait immédiatement les animer de toute la malveillance possible à son égard : car il substituait les chemins de fer aux routes et, par conséquent, il devait avoir contre lui tous les maîtres de poste et les postillons.

Cela ne manqua pas d’arriver : c’était un homme dangereux qui fabriquait les instruments de bois et les instruments de cuivre à la fois, — choses que se partageaient auparavant les maisons spéciales ; — qui faisait entièrement fabriquer tous les instruments chez lui, au lieu de les faire passer par trente-six ateliers ; — qui, enfin, apportait des instruments tels qu’on n’en avait jamais vu.

Haro sur lui donc ! Et alors voici qu’une vaste conspiration s’ourdit ; une ligue avec président, délégués, trésoriers, s’organise savamment et fait des appels de fonds pour l’accabler sous le poids des procès ; on le ruine, on le vole, on abuse de sa confiance, on brise ses outils, on le force à se soumettre à la main des usuriers, on le discrédite, on l’empêche d’avoir des fonds, on lui enlève ceux qu’il a : il lutte énergiquement, alors on a recours aux grands moyens : un jour on essaye de l’assassiner !

Donizetti veut employer ses instruments ; on le force d’y renoncer.

Quand on a tout épuisé, on arrive à la calomnie, arme commode qui ne coûte rien, et dont il est impossible de parer les blessures : la calomnie, cet excellent moyen dont parle Beaumarchais :

« La calomnie, monsieur ! vous ne savez guère ce que