Page:Guyot - L'Inventeur.djvu/193

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ces gardiens ? Bien fou qui viendra s’y exposer. Les plus hardis même et les plus batailleurs ne se permettent que quelques escarmouches. Ils lancent un petit trait de temps en temps ; quand ils trouvent une occasion trop belle, ils ne peuvent échapper à la tentation. Mais une fois le trait lancé ils se repentent ; ils ont tous plus ou moins d’ambition. Qui ne caresse l’espoir d’aller s’asseoir dans le vieux temple du sommeil ? On y est si bien et si douillettement. Ils comprennent que s’ils troublent la tranquillité de leurs aînés, ils ne peuvent aspirer à devenir leurs cadets.

Ils rentrent donc dents et griffes, même et surtout alors qu’ils devraient les sortir. Pour être ami de la vérité, on n’en est pas moins homme ; et l’homme fait taire le publiciste, parce qu’il considère que places et sinécures aident à faire bouillir la marmite, et que décorations ornent bien l’habit. Or dans le giron scientifique nul ne peut rien s’il n’est appuyé par quelques grosses têtes de l’Institut : donc, chapeau bas devant elle ; fût-elle ornée comme celle de Midas, il faut crier : Oh ! la belle tête, oh ! la bonne tête, oh ! la forte tête ! Il faut donc être politique et connaître l’économie de parole telle que la définit Voltaire. Si parfois tu fais semblant d’être en colère, ce n’est que pour brûler de plus fins encens. Tu te donnes un air indépendant, et tu n’en es que plus souple. Il y a longtemps que La Bruyère a dépeint ce caractère. La belle chose et la belle vertu que le désintéressement ! Mais qui donc en France ne court pas à la grande curée ? Où sont les philosophes qui, comme ceux de Couture, regardent l’orgie sans s’y mêler ? Et voilà pourquoi le bon public croit que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, et que l’Académie des sciences est le premier corps savant du monde, et qu’elle est infaillible, et que toutes ses paroles sont paroles d’Evangile, et qu’une fois qu’elle a prononcé, est insensé et pervers qui en appelle de son jugement. Le bon public res-