Page:Guyot - L'Inventeur.djvu/259

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Lorsqu’en 1747 Euler eut l’idée de rendre les lunettes achromatiques, à l’aide d’objectifs formés de verre et d’eau, Dolland, célèbre opticien anglais, s’appuyant sur une loi que Newton avait établie dans son optique sur la dispersion de la lumière, soutint longtemps, d’après cette autorité, que les recherches d’Euler étaient vaines, et se donna beaucoup de mal pour le prouver, au lieu de vérifier tout de suite les appareils du géomètre allemand. Il est vrai que quand il tenta l’expérience, celle-ci ayant réussi, il eut la bonne foi de convenir que Newton avait pu se tromper, et de chercher à réaliser l’idée primitive.

Pourquoi donc s’acharner tant à combattre par la théorie des choses qu’il serait si facile d’expérimenter ? Mais la théorie est là, et il faut qu’on s’en serve. L’horreur du vide était aussi jadis une théorie que les faits avaient plus d’une fois dû combattre ; mais s’il ne s’était pas trouvé un esprit hardi pour se demander en vertu de quel principe l’eau ne pouvait pas s’élever à plus de 32 pieds dans un corps de pompe, elle eût encore longtemps régné en souveraine. Un autre savant l’eût expliquée d’une autre manière : n’explique-t-on pas tout ce qu’on veut ? Il y a tant de moyens de tourner la difficulté : il y a des procédés si simples pour rendre compte de ce qu’on ne peut comprendre. Bonnet loue hautement les physiologistes d’avoir abandonnné la science de Torganogénie, en leur montrant avec quelle facilité le système des préexistences expliquait des choses reconnues inexplicables dans la voie positive et expérimentale. Aquapendente saisit la comparaison de la construction d’un navire dont Galieu se sert pour expliquer le développement du poulet, il prouve que la nature ne peut pas agir autrement que l’art, et il en conclut que la nature commence par bâtir la charpente, pour former les os !

Oh ! éternelle stupidité de l’homme qui veut que la nature suive les lois qu’il lui plaît de tracer, lui obéisse, soit