Page:Guyot - Les principes de 89 et le socialisme.djvu/199

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— Eh ! oui, pourquoi nierais-je un fait ?

— Et vous le tolérerez ?

Et alors le socialiste m’adresse le réquisitoire suivant :

— Ce grand propriétaire ne joue-t-il pas le rôle de l’ancien chef de tribu ou de l’ancien patriarche ? Sur ce territoire n’y a-t-il pas des populations qui conservent les vestiges de l’ancien servage ? Tout ne gravite-t-il pas et ne rayonne-t-il pas autour du propriétaire ou de son délégué ? Le fermier en est-il indépendant ? Un ouvrier agricole n’a-t-il pas à craindre, s’il n’est pas dévoué au seigneur terrien, d’être privé de travail et obligé de s’exiler ? Un maréchal-ferrant, un tonnelier, un menuisier, un cordonnier vivant sur un de ces territoires, n’est-il pas à sa discrétion ; et alors, dans ces conditions, que deviennent la liberté, l’égalité, principes de 89, qui peuvent exister sur le papier, mais sont détruits en fait, au point de vue économique ?

Voilà l’objection dans toute sa force.

Je ne nierai point la tyrannie locale que peut exercer un grand propriétaire sur son entourage ; mais un petit propriétaire peut l’exercer dans des proportions plus grandes, s’il a un tempérament plus dominateur que le premier. Il n’y a pas besoin d’être grand propriétaire pour être tyran de village. Un habile prêteur, une personne acariâtre, le nez au vent de tous les commérages, un homme à l’affût de toutes les difficultés et intrigues des familles, peut exercer un despotisme terrible. Vous ne voulez pas cependant supprimer ces gens, si désagréables qu’ils soient ? Du moins, j’aime à le croire.