Page:Guyot - Les principes de 89 et le socialisme.djvu/22

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— Mon sentiment !

— Mais qu’est-ce qu’un sentiment ?  une aspiration vague, un embryon d’idée restée dans les limbes.

— Les circonstances !

— Mais quand elles se présentent, pourquoi prenez-vous à leur égard plutôt tel parti que tel autre ? pourquoi votez-vous blanc ou bleu ? Si vous déclarez que vous n’agissez pas en vertu de principes, vous avouez que vous agissez en vertu d’idées acceptées sans examen ; mais que sont des idées de ce genre ? sinon des préjugés et vous reconnaissez qu’ils vous gouvernent ainsi que la très grande majorité des hommes.

Le contraire serait étonnant, alors qu’ils s’imposent à nous, avec la double force de l’hérédité et de l’éducation.

Tout homme a reçu de ses aïeux des aptitudes, des habitudes, des actions réflexes emmagasinées par les siècles, ce qu’on appelle l’instinct chez les animaux : et le plus souvent l’éducation a fortifié ces acquisitions ancestrales.

La plupart des gens ont une opinion parce qu’ils l’ont reçue de leur père et de leur mère, à moins que ce ne soit de leur nourrice et de leur bonne ; de leur professeur ou du prêtre qui les a préparés à la première communion ; et ils ne peuvent la soutenir qu’en l’affirmant. De là, leur intolérance dans la discussion. Ils n’examinent pas. Ils se défendent.

Pères, mères, professeurs, prêtres ont dit au jeune homme : — Voici ce que tu dois croire ou ne pas croire d’après l’autorité d’Aristote, de Platon ou de Cicéron, de saint Paul ou de saint Augustin, et ils invoquent même celle des représentants de l’esprit