Page:Guyot - Les principes de 89 et le socialisme.djvu/66

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duits accumulés d’une expérience séculaire et désastreuse.


III. — L’hérésie, ou opinion différente de la religion dominante, était considérée comme le plus grand des crimes : le code pénal de tous les parlements commençait par l’hérésie, qu’on appelait crime de lèse-majesté divine au premier chef.

Non seulement Louis XIII et Louis XIV avaient fait à leur sacre le serment d’exterminer les hérétiques, mais Louis XVI le renouvela. Non seulement on gardait en 1789 le souvenir des dragonnades et de la révocation de l’édit de Nantes de 1684 ; mais pendant tout le XVIIIe siècle les persécutions avaient continué, des protestants avaient été envoyés aux galères, leurs enfants enlevés. En 1780, l’assemblée du clergé déclare que « l’autel et le trône seraient également en danger si l’hérésie venait à rompre ses fers ».

En opposant à ces pratiques la liberté de conscience, l’Assemblée Nationale avait-elle donc pour point de départ une conception métaphysique et se bornait-elle à l’énonciation d’un vague principe ?

Si Voltaire est gentilhomme de la chambre, il n’a trouvé de sécurité qu’en dehors de la France ; et Stendhal a eu raison de dire de lui : « L’homme le plus brave de son siècle. » Ce mot est juste quand on pense que c’était sur ses vieux jours (1772) qu’on mettait à la question ordinaire et extraordinaire, on étranglait et on brûlait à Abbeville le chevalier de la Barre, accusé de n’avoir pas salué une procession de capucins. On brûlait avec régularité les livres suspects et de malheureux colporteurs étaient condamnés aux