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galères pour avoir essayé d’en vendre quelques-uns. Mais la liberté de penser avait pénétré si profondément dans les mœurs que ceux mêmes qui étaient chargés de la réprimer se rendaient complices de ceux qui la représentaient, comme Malesherbes qui mettait chez lui, à l’abri des perquisitions, les ouvrages qu’il devait saisir.

On sait que n’importe quel individu pouvait être emprisonné indéfiniment par une lettre de cachet : « Car personne ; disait Malesherbes en 1770, n’est assez grand pour être à l’abri de la haine d’un ministre, ni assez petit pour n’être pas digne de celle d’un commis de la ferme. » On a calculé que sous Louis XV plus de 150.000 lettres de cachet avaient été distribuées et vendues, sous Louis XVI plus de 14.000.

L’affirmation du principe de la liberté individuelle est la destruction de ces odieuses pratiques.


IV. — Si les nobles avaient une infériorité, l’obligation de ne se livrer à aucun travail agricole ou industriel, sous peine de déchéance, ils avaient, non seulement le privilège d’occuper exclusivement les emplois de la cour et de recueillir les faveurs royales, mais encore d’obtenir les grades dans l’armée et dans la marine, les riches fonctions de l’Église et les hautes charges de la judicature.

En 1789, sur une population d’environ 25 millions d’habitants, on comptait à peu près 140.000 nobles, possédant un cinquième du sol ; et non seulement ce sol était exempt d’impôts, mais il était chargé de droits féodaux et de corvées : tailles seigneuriales pour les noces des seigneurs et pour les couches de leur