Page:Guyot - Les principes de 89 et le socialisme.djvu/78

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Chez son patron, il est soumis aux mêmes obligations que du temps de son apprentissage. Il doit se rendre chez lui à la pointe du jour, n’en quitter qu’au soleil couchant. S’il est engagé pour un mois ou pour un an, son patron aura beau être brutal et acariâtre, il ne peut le quitter, il est rivé ; l’engagement est irrésiliable.

Dans certaines corporations, il ne devait jamais avoir l’ambition de dépasser cette situation ; eût-il épousé la propre fille de son maître, ce titre par alliance ne lui donnait pas accès dans la corporation. Même celles qui paraissaient plus ouvertes, étaient fermées, en fait, surtout à partir du XIVe siècle.

Tout d’abord, le candidat à la maîtrise devait faire un chef-d’œuvre, pièce inutile, mais coûteuse de temps, d’argent, et présentant toutes les difficultés imaginables. Il était enfermé dans une maison spéciale, soumis à une étroite surveillance, livré à ses propres ressources. À chaque phase de son travail, les jurés venaient examiner sa manière de procéder.

La confection du chef-d’œuvre demandait souvent plusieurs mois, quelquefois huit mois. Après l’avoir terminé à la satisfaction des plus difficiles, le candidat devait payer une somme plus ou moins forte, quelquefois s’élevant à plusieurs centaines de livres, pour le brevet de maître, une autre somme pour la confrérie, puis venaient des dons gratuits, mais obligatoires, aux maîtres sous divers prétextes, et enfin des dîners et des banquets dont le minimum, fixé par les statuts, devait toujours être dépassé, l’estomac des jurés étant aussi profond que leur conscience ; et les maîtres gavés, gorgés, pou-