Page:Guyot - Les principes de 89 et le socialisme.djvu/79

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vaient encore arrêter à la porte de la corporation, par un simple veto, leur valet de la veille qu’ils ne tenaient point à voir leur égal.

Le compagnonnage fut la corporation des « valets », créée pour résister aux maîtres. On comprend l’importance que le secret avait pour ses membres. De là ses traditions, ses épreuves, ses pratiques, et son esprit de farouche exclusivisme.

Le fils du maître ne rencontrait point ces difficultés. Pour lui, la production du chef-d’œuvre n’était qu’une formalité, toujours facile, point onéreuse, ni comme temps, ni comme argent.


III. — L’esprit d’inégalité subsistait même dans la corporation. Tous les maîtres n’étaient point élevés à la même dignité. À Paris, les maîtres boulangers se divisaient en deux catégories : ceux qui tenaient du roi leur maîtrise, ceux qui l’obtenaient des seigneurs dont les terres étaient enclavées dans l’enceinte ; puis au-dessous, se trouvaient les fourriers ou conducteurs de fours banaux et les boulangers forains. Dans plusieurs corporations, les maîtres se divisaient en anciens, modernes et jeunes ; chaque grade n’était accessible qu’après un stage et l’acquittement de certains droits. Les maîtres des rubaniers de Paris se partageaient en dix catégories.

Chaque corporation était gouvernée par un Conseil appelé jurande, réunion de jurés choisis parmi les maîtres. C’étaient eux qui admettaient le chef-d’œuvre, défendaient la corporation, maintenaient les droits, les défendaient au dehors, les soutenaient au dedans, veillaient à l’observation des règlements, sur-