Page:Gyp - Bijou, Calmann-Levy, 1896.djvu/139

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si bien ici… dans cette prairie de velours… sous ce beau soleil que j’aime tant !…

Elle acheva, sans s’occuper du jeune homme, parlant comme dans un rêve :

— Oui, je suis bien !… je voudrais rester ainsi toujours… toujours…

Elle posa contre ses lèvres fraîches le petit bouquet de clématite avec lequel elle jouait depuis une minute, puis elle le remit à son corsage, sans voir la main que Giraud tendait passionnément vers les pauvres petites fleurs fanées déjà.

Pierrot sortait du fourré, portant une énorme botte de sorbier. Bijou, qui avait repris sa mine souriante, le remercia :

— Tu es gentil, mon Pierrot !… d’autant plus que tu vas avoir la peine de porter ça pendant encore un kilomètre…

— Bah !… pour te faire plaisir, je ferais des choses bien plus embêtantes !…

— Tu es un bon Pierrot !…

— C’est pas que je suis bon…

Il s’approcha plus encore, frôlant le cheval, et acheva très bas :

— C’est que je t’aime !…

Bijou ne répondit pas.

Au bout d’un instant. Pierrot reprit :

— Ce que tu as bien chanté, hier soir !… s’pas m’sieu Giraud ?…

— Merveilleusement ! — dit le professeur — et quelle jolie voix !… si pure !… si fraîche !… Ah !