Page:Gyp - Bijou, Calmann-Levy, 1896.djvu/21

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Puis, allant au répétiteur, elle dit, délicieusement chatte et souple :

— Monsieur Giraud, voulez-vous aussi un bouton de rose ?…

Et comme, interdit, tremblant presque, le jeune homme cherchait, sans y parvenir, à placer la fleur, elle la lui enleva d’un mouvement très doux :

— Vous ne savez pas !… laissez-moi arranger ça, voulez vous ?…

Il était si grand qu’elle fut forcée, pour atteindre sa boutonnière, de se dresser sur la pointe des pieds. Elle glissa alors la fleur lentement, avec un soin extrême ; et quand ce fut fait, elle affirma, aimable et souriante, en tapotant le revers luisant de la pauvre jaquette qui n’avait plus ni forme ni couleur :

— À la bonne heure !… comme ça, c’est tout plein joli !…

Les yeux brillants de tendresse, la marquise la contemplait. Elle dit à Bertrade, qui elle aussi, semblait admirer Bijou :

— Hein ?… est-elle assez gentille ?…

Madame de Rueille regarda le jeune répétiteur, qui restait planté, tout pâle, au milieu du hall, et répondit avec tristesse :

— Pauvre garçon !…

— Encore !… Ah ça ! décidément, il t’intéresse beaucoup, monsieur Giraud !…

— Beaucoup !… j’aime les délicats et les tristes… moi qui suis une gaie !…