Page:Gyp - Bijou, Calmann-Levy, 1896.djvu/269

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— Je suis si fatiguée, si vous saviez !…

Il insista :

— Rien qu’un tout petit tour, voulez-vous ?… je n’ai pas, depuis le commencement de la soirée, pu obtenir une pauvre valse de vous…

— Non… je vous en prie !… je voudrais me reposer… je…

Et, prenant tout à coup son parti :

— Eh bien, non !… je sens que je mens très mal !… je ne suis pas fatiguée du tout… mais je ne veux pas valser avec vous, parce que…

— Parce que ?…

— Parce que j’ai peur de faire de la peine à Jeanne, là !…

Il répéta, surpris.

— De la peine à Jeanne, pourquoi ?…

— Ça a l’air très vaniteux ce que je vais vous dire là… mais il faut que je vous le dise tout de même… eh bien, je crois que Jeanne vous adore… à tel point qu’elle est jalouse de qui vous approche… ou vous parle… ou vous voit, même !…

Mécontent, les sourcils relevés, son doux visage subitement durci, M. Spiegel demanda :

— Elle vous l’a dit ?…

Bijou répondit, avec l’empressement gêné et maladroit de quelqu’un qui se voit obligé de mentir :

— Mais non… mais non !… c’est moi qui ai deviné ça !… moi toute seule… j’aime tant Jeanne, voyez-vous !… je sais tout ce qui se passe en elle… et je serais si malheureuse de lui causer im chagrin…