comme une sauvage, moi !… quand papa et maman vivaient, toujours malades, j’étais enfermée comme eux… sans voir personne… et il y a à peine quatre ans que j’habite chez grand’mère où je vois du monde…
— Ah ! oui !… et à gogo !… c’est le cas de le dire !…
— On croirait que ça vous déplaît ?…
Elle regarda Rueille de côté, les yeux luisants entre les paupières à demi closes, tandis qu’il répondait, devenant malgré lui un peu nerveux :
— Me déplaire ?… et pourquoi ?… est-ce que quelque chose me regarde dans votre vie ?… ai-je donc voix au chapitre en ce qui vous concerne ?…
— Ce qui veut dire que si vous aviez voix au chapitre ?…
— Eh !… il est, certes, bien des changements, bien des réformes que je ferais… que je conseillerais, veux-je dire…
— Par exemple ?…
— Par exemple, je ne vous permettrais pas, si j’étais à la place de grand’mère, d’être aussi gentille, aussi accueillante pour tous… je voudrais vous garder pour moi un peu plus… vous empêcher de donner à des étrangers une aussi grande part de vous-même…
Elle dit, l’air pensif, triste presque :
— Oui… vous avez peut-être raison !…
— D’autant plus raison que nous vous avons à nous pour si peu de temps !…