Page:Gyp - Bijou, Calmann-Levy, 1896.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Qu’est-ce que ce gros chagrin qu’il a eu ?…

— Je te dirai ça quand Bijou ne sera pas là…

Bijou, pourtant, ne devait rien entendre. Elle jouait avec Pierrot qui venait d’entrer. Elle lui refaisait sa raie. Pierrot, un grand gamin de dix-sept ans, vigoureux, mais grandi trop vite, avec de longs pieds et de longues mains, et un front tourmenté d’invraisemblables bosses, se faisait tout petit, pour que la jeune fille pût atteindre ses cheveux embroussaillés et ternes. Il avait le cou tendu, le regard vague, l’air heureux sous l’effleurement des petites pattes adroites.

Madame de Bracieux vit que Bijou était à cent lieues, et, à demi-voix, elle raconta à son neveu la banale aventure d’amour qui avait, en quelque sorte, interrompu la vie de son vieil ami. Tout à coup, Denyse revint vers la marquise :

— Grand-mère !… j’oubliais !… les Dubuisson ne peuvent pas venir dîner jeudi, mais M. Dubuisson amènera Jeanne vendredi et nous la laissera huit jours…

— Alors nous ne sommes plus que dix-huit à dîner ?…

— Nous sommes toujours vingt !… parce que j’ai vu les Tourville, et je les ai invités de votre part… j’ai pensé que…

— Tu as très bien fait !…

— Oh ! — dit Bertrade — les Tourville en même temps que les Juzencourt !… c’est pour le coup que nous les entendrons, les histoires de Guillaume le Conquérant et de Charles le Téméraire !…