Page:Gyp - Bijou, Calmann-Levy, 1896.djvu/79

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Depuis un instant Bijou, qui manquait de fleurs, était sortie en courant et, traversant d’un bond l’allée, avait sauté au milieu d’une grande corbeille de roses, où elle coupait impitoyablement. Elle était si absorbée qu’elle n’entendit pas une voiture entrer dans l’allée qui contournait la pelouse, ni même s’arrêter devant le perron.

Lorsque enfin elle releva la tête, elle vit debout à deux pas d’elle, un grand monsieur qui la regardait extasié. C’est que Bijou, avec sa robe de toile à larges rayures roses et son petit tablier à bavette, garni de valenciennes, était vraiment jolie à voir, fourrageant à pleins bras dans les fleurs.

Quand elle se vit ainsi regardée, sa peau de rose-thé se teinta d’une nuance plus vive, tandis qu’elle restait interdite et troublée, en face du monsieur qui continuait à la contempler sans rien dire.

C’était un homme de cinquante-cinq à soixante ans, grand, mince, distingué, élégant, et de tournure très jeune. Sa figure, intelligente et fine, était jeune aussi d’expression, bien qu’un peu triste. Comme Bijou, toujours immobile, semblait hésitante et inquiète, il s’approcha, et, saluant, dit d’une voix très douce :

— Mademoiselle !… pardon !… n’êtes-vous pas Denyse de Courtaix ?…

Bijou planta bien droit son candide regard dans les yeux curieusement fixés sur elle, et répondit, toute souriante :

— Oui !… et vous ?… vous êtes monsieur de Clagny, n’est-ce pas ?