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PRÉFACE

vers son lit, il commença à s’habiller. Il n’enfila que les vêtements indispensables, et, tête nue, sortit en enjambant la fenêtre, le chien sur ses talons. Dès qu’il eût gagné la vraie campagne, il se sentit envahi par une joie démesurée de bête soudainement libre, et appelant Jérôme d’un claquement de langue, partit en courant. Il n’avait pas fait dix mètres que le chien était venu se placer devant lui et d’un long galop paresseux l’emmenait à travers la nuit. Leur course les emporta dans des prairies coupées de ruisseaux étroits, où le sol mou fondait sous le pied ; puis plus haut, entre des bouquets d’arbres dont l’ombre épaisse, après la lumière blafarde, semblait une voûte d’église ; plus haut encore, jusqu’au sommet d’un coteau herbeux dont le flanc dégarni montait, montait vers la clarté comme une route triomphale, et le jeune homme, ivre, grisé par l’air tiède et les senteurs de la nuit, l’enleva d’un dernier effort et descendit l’autre flanc sur sa lancée, suivant toujours Jérôme qui galopait, tête basse, flairant au passage les touffes d’herbe où fuyaient des bêtes apeurées.

Enfin il se laissa tomber au pied d’un talus, épuisé, à bout de souffle, et Jérôme se coucha à côté de lui dans une posture de sphinx, haletant et joyeux, fouillant l’obscurité de ses yeux jaunes. Ils restèrent immobiles jusqu’à ce que le grand silence qui semblait s’être abattu sur la campagne eût fait place de nouveau aux bruits divers de la vie qui s’agitait invisible autour d’eux ; puis ils rentrèrent, las et contents, comme l’aube montait.