Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/142

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l’indulgence divine et pourrait raisonnablement transformer son espoir en certitude ; elle mangea donc peu, se privant des choses qu’elle aimait le plus.

Pendant l’après-midi elle dut travailler au maillot de laine qu’elle voulait offrir à son père pour le jour de l’an, et bien qu’elle continuât à murmurer sans cesse sa prière unique, la besogne de ses doigts parut la distraire un peu et la retarder ; puis ce fut les préparatifs du souper, qui furent longs ; enfin Tit’Bé vint faire radouber ses mitaines, et pendant ce temps les Ave n’avancèrent que lentement, par à-coups, comme une procession que des obstacles sacrilèges arrêtent.

Mais quand le soir fut venu, toute la besogne du jour achevée, et qu’elle put retourner à sa chaise près de la fenêtre, loin de la faible lumière de la lampe, dans l’ombre solennelle, en face des champs parquetés d’un blanc glacial, elle reprit son chapelet, et se jeta dans la prière avec exaltation. Elle était heureuse que tant d’Ave restassent à dire, puisque la difficulté et la peine ne donnaient que plus de mérite à son entreprise, et même elle eût souhaité pouvoir s’humilier davantage et donner plus de force à sa prière en adoptant quelque position incommode ou pénible, ou par quelque mortification.

Son père et Tit’Bé fumaient, les pieds contre