Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/143

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le poêle ; sa mère cousait des lacets neufs à de vieux mocassins en peau d’orignal. Au dehors la lune se leva, baignant de sa lumière froide la froideur du sol blanc, et le ciel fut d’une pureté et d’une profondeur émouvantes, semé d’étoiles qui ressemblaient toutes à l’étoile miraculeuse d’autrefois.

« Vous êtes bénie entre toutes les femmes… »

À force de répéter très vite la courte prière elle finissait par s’étourdir et s’arrêtait quelquefois, l’esprit brouillé, ne trouvant plus les mots si bien connus. Cela ne durait qu’un instant : elle fermait les yeux, soupirait, et la phrase qui revenait de suite à sa mémoire et que sa bouche articulait sortait de la ronde machinale et se détachait, reprenant tout son sens précis et solennel.

« …Vous êtes bénie entre toutes les femmes… »

Une fatigue pesa sur ses lèvres à la longue, et elle ne prononça plus les mots sacrés que lentement et avec plus de peine ; mais les grains du chapelet continuèrent à glisser sans fin entre ses doigts, et chaque glissement envoyait l’offrande d’un Ave vers le ciel profond, où Marie pleine de grâce se penchait assurément sur son trône, écoutant la musique des prières qui montaient et se remémorant la nuit bienheureuse.

« …Le Seigneur est avec vous… »