Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/145

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lamente pas ? Mais nous n’avons pas été bien malheureux jamais, tous les deux ; nous avons vécu sans trop pâtir ; les garçons sont de bons garçons, vaillants, et qui nous rapportent quasiment tout ce qu’ils gagnent, et Maria est une bonne fille aussi…

Ils s’attendrissaient tous les deux en se rappelant le passé, et aussi en songeant aux cierges qui brûlaient déjà, et aux chants qui allaient s’élever bientôt, célébrant partout la naissance du Sauveur. La vie avait toujours été une et simple pour eux : le dur travail nécessaire, le bon accord entre époux, la soumission aux lois de la nature et de l’Église. Toutes ces choses s’étaient fondues dans la même trame, les rites du culte et les détails de l’existence journalière tressés ensemble, de sorte qu’ils eussent été incapables de séparer l’exaltation religieuse qui les possédait d’avec leur tendresse inexprimée.

La petite Alma-Rose entendit qu’on distribuait des louanges et vint chercher sa part.

— Moi aussi j’ai été bonne fille, eh ! son père ?

— Comme de raison… comme de raison… Ce serait un gros péché d’être haïssable le jour où le petit Jésus est né.

Pour les enfants, Jésus de Nazareth était toujours « le petit Jésus », l’enfantelet bouclé des images pieuses ; et en vérité pour les parents aussi, c’était cela que son nom représen-