Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/146

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tait le plus souvent. Non pas le Christ douloureux et profond du protestantisme, mais quelqu’un de plus familier et de moins grand : un nouveau-né dans les bras de sa mère, ou tout au plus un très petit enfant qu’on pouvait aimer sans grand effort d’esprit et même songer à son sacrifice futur.

— As-tu envie de te faire bercer ?

— Oui.

Il prit la petite fille sur ses genoux et commença à se balancer d’avant en arrière.

— Et va-t-on chanter aussi ?

— Oui.

— C’est correct ; chante avec moi :


Dans son étable,
Que Jésus est charmant !
Qu’il est aimable
Dans son abaissement…


Il avait commencé à demi-voix pour ne pas couvrir l’autre voix grêle ; mais bientôt la ferveur l’emporta et il chanta de toute sa force, les yeux au loin. Télesphore vint s’asseoir près de lui et le regarda avec adoration. Pour ces enfants élevés dans une maison solitaire, sans autres compagnons que leurs parents, Samuel Chapdelaine incarnait toute la sagesse et toute la puissance du monde, et comme il était avec eux doux et patient, toujours prêt à les prendre sur ses genoux et à chanter pour eux les cantiques ou les innombrables chansons naïves