Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/150

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« Je vous salue, Marie, pleine de grâce… »

La chanson finie, Maria avait machinalement repris ses prières avec une ferveur renouvelée, et de nouveau les Ave s’égrenèrent.

La petite Alma-Rose, endormie sur les genoux de son père, fut déshabillée et portée dans son lit ; Télesphore la suivit ; bientôt Tit’Bé à son tour s’étira, puis remplit le poêle de bouleau vert ; le père Chapdelaine fit un dernier voyage à l’étable et rentra en courant, disant que le froid augmentait. Tous furent couchés bientôt, sauf Maria.

— Tu n’oublieras pas d’éteindre la lampe ?

— Non, son père.

Elle l’éteignit de suite, préférant l’ombre, et revint s’asseoir près de la fenêtre et récita ses derniers Ave. Quand elle eut terminé, un scrupule lui vint et une crainte de s’être peut-être trompée dans leur nombre, parce qu’elle n’avait pas toujours pu compter sur les grains de son chapelet. Par prudence elle en dit encore cinquante et s’arrêta alors, étourdie, lasse, mais heureuse et pleine de confiance, comme si elle venait de recevoir une promesse solennelle.

Au dehors le monde était tout baigné de lumière, enveloppé de cette splendeur froide qui s’étend la nuit sur les pays de neige quand le ciel est clair et que la lune brille. L’intérieur de la maison était obscur, et il semblait que ce