Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/163

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
139
MARIA CHAPDELAINE

adroit pas mal, déjà aussi grand comme il est là… je veux dire comme il était… l’été dernier, quand il est venu icitte. Et toujours de bonne humeur, avec ça. C’était difficile de ne pas l’aimer.

Ils regardaient droit devant eux en parlant, et cependant tout ce qu’ils disaient semblait s’adresser à Maria, comme si son secret d’amour avait été naïvement visible. Mais elle ne dit rien ni ne bougea, les yeux fixés sur la vitre de la petite fenêtre que le gel rendait pourtant opaque comme un mur.

Eutrope Gagnon s’en alla bientôt ; les Chapdelaine, restés seuls, furent longtemps sans parler. Enfin le père dit d’une voix hésitante :

— François Paradis n’avait quasiment pas de famille : alors comme nous avions tous de l’amitié pour lui, on pourrait peut-être faire dire une messe ou deux… Eh, Laura ?

— Sûrement. Trois grand-messes avec chant ; et quand les garçons reviendront du bois, en bonne santé s’il plaît au bon Dieu, trois autres pour le repos de son âme, pauvre garçon ! Et tous les dimanches nous dirons un chapelet pour lui.

— Il était comme tous les autres, reprit le père Chapdelaine, pas parfait, comme de raison, mais sans malice et propre dans sa vie. Le bon Dieu et la Sainte Vierge auront pitié de lui.