Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/164

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Encore le silence. Maria sentait bien que c’était pour elle qu’ils disaient cela, parce qu’ils avaient deviné son chagrin et cherchaient à l’adoucir ; mais elle ne pouvait parler, ni pour louer le mort ni pour se plaindre. Une main s’était glissée dans sa gorge, l’étouffant dès que le dénouement du récit tragique était devenu clair pour elle, et maintenant cette main avait pénétré jusqu’en sa poitrine et lui serrait durement le cœur. Les élancements et la douleur déchirante viendraient plus tard peut-être ; mais pour le moment ce n’était encore que cela : la poigne cruelle de cinq doigts fermés sur son cœur.

D’autres paroles furent prononcées, qu’elle n’entendit guère ; puis ce fut le remue-ménage ordinaire du soir, les préparatifs du coucher, le père Chapdelaine sortant pour aller faire une dernière visite à l’étable et rentrant dans la maison très vite, la peau rougie par le froid, fermant en hâte derrière lui la porte où une colonne de buée froide s’engouffrait.

— Viens, Maria.

Sa mère l’appelait très doucement, en lui posant une main sur l’épaule. Elle se leva et alla s’agenouiller avec les autres pour la prière. Pendant dix minutes, les voix se répondirent, étouffées et monotones, murmurant les paroles sacrées. Quand ils furent arrivés à la fin du chapelet, la mère Chapdelaine murmura :