Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/172

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radis ne pourrait pas revenir au printemps, ni plus tard. Seulement elle était malheureuse, et tant que le chagrin durait elle ne pouvait pas aller plus avant.

Quand le dimanche vint, le père Chapdelaine et sa fille commencèrent de bonne heure à se préparer pour le voyage de deux heures qui devait les amener à Saint-Henri-de-Taillon, où se trouvait l’église. Avant sept heures et demie Charles-Eugène était attelé ; Maria, revêtue déjà de sa grande pelisse d’hiver, serrait avec soin dans son porte-monnaie la liste des commissions que lui avait donnée sa mère. Quelques minutes plus tard les grelots de l’attelage commencèrent à tinter et le reste de la famille se groupa derrière la petite fenêtre carrée pour regarder s’éloigner les voyageurs.

Pendant une heure le cheval ne put aller qu’au pas, enfonçant jusqu’aux jarrets dans la neige, car les Chapdelaine étaient seuls à passer sur ce chemin, qu’ils avaient tracé et déblayé eux-mêmes et qui n’était pas assez souvent foulé pour devenir glissant et dur. Mais quand ils eurent rejoint la route battue Charles-Eugène trotta allègrement.

Ils traversèrent Honfleur, hameau de huit maisons dispersées, puis rentrèrent dans le bois. À la longue quelques champs apparurent ; des maisons s’espacèrent au bord du chemin ; la lisière sombre s’éloigna peu à peu et bientôt