Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/194

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giner. Les magasins de Roberval, la grand’messe, une veillée dramatique dans un couvent ; voilà tout ce que vous avez vu de plus beau encore. Eh bien, toutes ces choses-là, les gens qui ont habité les villes ne feraient qu’en rire. Vous ne pouvez pas vous imaginer… Rien qu’à vous promener sur les trottoirs des grandes rues, un soir, quand la journée de travail est finie — pas des petits trottoirs de planches comme à Roberval, mais de beaux trottoirs d’asphalte plats comme une table et larges comme une salle — rien qu’à vous promener de même, avec les lumières, les chars électriques qui passent tout le temps, les magasins, le monde, vous verriez de quoi vous étonner pour des semaines. Et tous les plaisirs qu’on peut avoir ; le théâtre, les cirques, les gazettes avec des images, et dans toutes les rues des places où l’on peut entrer pour un nickel, cinq cents, et rester deux heures à pleurer et à rire. Oh ! Maria ! Penser que vous ne savez même pas ce que c’est que les vues animées !

Il se tut quelques instants, repassant dans sa mémoire le spectacle prodigieux des cinématographes et se demandant s’il pourrait l’expliquer et en raconter les péripéties ordinaires : l’histoire touchante des petites filles abandonnées ou perdues dont la vie est condensée sur l’écran en douze minutes de misère atroce et