Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/195

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trois minutes de réparation et d’apothéose dans un salon d’un luxe exagéré… Les galopades effrénées de cow-boys à la poursuite des Indiens ravisseurs ; l’épouvantable fusillade ; la délivrance ultime des captifs, à la dernière seconde, par les soldats qui arrivent en trombe, brandissant magnifiquement la bannière étoilée…

Après une minute d’hésitation, il secoua la tête, reconnaissant son impuissance à peindre toutes ces choses avec des mots.

Ils marchaient ensemble sur la neige, les raquettes aux pieds, dans les brûlés qui couvrent la berge haute de la rivière Péribonka au-dessus de la chute. Lorenzo Surprenant n’avait eu recours à aucun prétexte pour obtenir que Maria sortît avec lui ; il le lui avait demandé simplement, devant tous, et maintenant il lui parlait d’amour avec la même simplicité directe et pratique.

— Le premier jour que je vous ai vue, Maria, le premier jour… c’est vrai ! Voilà longtemps que je n’étais revenu au pays, et j’étais à me dire que c’était une misérable place pour vivre, que les hommes étaient une « gang » de simples qui n’avaient rien vu et que les filles n’étaient sûrement pas aussi fines ni aussi smart que celles des États… Et puis rien qu’à vous regarder, je me suis dit tout d’un coup que c’était moi qui n’étais qu’un simple, parce que ni à