Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/198

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et nous ferions une belle vie : des toilettes propres, un joli plain-pied dans une maison de briques, avec le gaz, l’eau chaude, toutes sortes d’affaires dont vous n’avez pas d’idée et qui vous épargnent du trouble et de la misère à chaque instant. Et ne vous figurez pas qu’il n’y a que des « Anglâs » par là ; je connais bien des familles canadiennes qui travaillent comme moi ou bien qui ont des magasins. Et il y a une belle église, avec un prêtre canadien : M. le curé Tremblay, de Saint-Hyacinthe. Vous ne vous ennuieriez pas…

Il hésita encore, et promena son regard autour de lui sur le sol blanc semé de souches brunes, sur le plateau austère qui un peu plus loin descendait d’une seule course jusqu’à la rivière glacée, comme s’il cherchait des arguments décisifs.

— Je ne sais pas quoi vous dire… Vous avez toujours vécu par icitte et vous ne pouvez pas vous figurer comment c’est ailleurs, et je ne suis pas capable de vous le faire comprendre rien qu’en parlant. Mais je vous aime, Maria, je gagne de bonnes gages et je prends pas un coup jamais. Si vous voulez bien me marier comme je vous le demande, je vous emmènerai dans des places qui vous étonneront ; de vraies belles places pas en tout comme par icitte, où on peut vivre comme du monde, et faire un règne heureux.