Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/209

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reux de Maria Chapdelaine n’avaient pas été attirés par des paroles habiles ou gracieuses, mais par la beauté de son corps et parce qu’ils pressentaient de son cœur limpide et honnête ; quand ils lui parlaient d’amour elle restait semblable à elle-même, patiente, calme, muette tant qu’elle ne voyait rien qu’il leur fallût dire, et ils ne l’en aimaient que davantage.

— Ce garçon des États est venu vous faire de beaux discours, mais il ne faut pas vous laisser prendre…

Il devina son geste ébauché de protestation et se fit plus humble.

— Oh ! vous êtes bien libre, comme de raison ; et je n’ai rien à dire contre lui. Mais vous seriez mieux de rester icitte, Maria, parmi des gens comme vous.

À travers la neige qui tombait, Maria regardait l’unique construction de planches, mi-étable et mi-grange, que son père et ses frères avaient élevée cinq ans plus tôt, et elle lui trouvait un aspect à la fois répugnant et misérable, maintenant qu’elle avait commencé à se figurer les édifices merveilleux des cités. L’intérieur chaud et fétide, le sol couvert de fumier et de paille souillée, la pompe dans un coin, dure à manœuvrer et qui grinçait si fort, l’extérieur désolé, tourmenté par le vent froid, souffleté par la neige incessante, c’était le symbole de ce qui l’attendait si elle épousait un garçon