Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

comme Eutrope Gagnon, une vie de labeur grossier dans un pays triste et sauvage.

Elle secoua la tête.

— Je ne peux rien vous dire Eutrope, ni oui, ni non ; pas maintenant… Je n’ai rien promis à personne. Il faut attendre.

C’était plus qu’elle n’en avait dit à Lorenzo Surprenant et pourtant Lorenzo était parti plein d’assurance et Eutrope sentit qu’il avait tenté sa chance, et perdu. Il s’en alla seul à travers la neige, tandis qu’elle rentrait dans la maison.


Mars se traîna en jours tristes ; un vent froid poussait d’un bout à l’autre du ciel les nuages gris, ou balayait la neige ; il fallait étudier le calendrier, don d’un marchand de grain de Roberval, pour comprendre que le printemps venait.

Les journées qui suivirent furent pour Maria toutes pareilles aux journées d’autrefois, ramenant les mêmes tâches, accomplies de la même manière ; mais les soirées devinrent différentes, remplies par un effort de pensée pathétique. Sans doute ses parents avaient-ils deviné ce qui s’était passé ; mais respectant son silence, ils ne lui offraient pas de conseils et elle n’en demandait pas. Elle avait conscience qu’il n’appartenait qu’à elle de faire son choix et d’arrêter sa vie, et se sentait pareille à une élève debout sur une estrade devant des yeux