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XIV


Un soir d’avril la mère Chapdelaine refusa de se mettre à table avec les autres à l’heure du souper.

— J’ai mal dans le corps et je n’ai pas faim, dit-elle. Je pense que je me suis forcée en levant la poche de fleur aujourd’hui pour faire le pain ; maintenant je sens quelque chose dans le dos qui me tire… et je n’ai pas faim.

Personne ne répondit rien. Les gens qui vivent d’une vie facile sont prompts à s’inquiéter dès que chez l’un d’entre eux le mécanisme humain se dérange ; mais ceux qui vivent sur la terre en sont venus à trouver presque naturel que parfois leur dur métier les surmène et que quelque fibre de leur corps se rompe. Pendant que le père et les enfants mangeaient, la mère Chapdelaine resta immobile sur sa chaise, près du poêle. Elle haletait un peu et sa figure grasse s’altérait.

— Je vas me coucher, dit-elle bientôt. Une bonne nuit et demain matin je serai correcte, certain ! Tu guetteras la cuite, Maria.

Le lendemain, en effet, elle se leva à son heure