Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/228

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les causeurs arrivent toujours à les rattacher à quelqu’un de leurs amis ou de leurs parents, dans ce pays où tous les liens de parenté sont suivis méticuleusement en esprit, malgré les distances.

La mère Chapdelaine cessa de se plaindre, et parut s’assoupir. Le médecin jugea donc qu’il avait fait ce qu’on attendait de lui, tout au moins pour un soir, vida sa pipe et se leva.

— Je vas aller coucher à Honfleur, dit-il. Votre cheval est bon pour me mener jusque-là, eh ? Vous n’avez pas besoin de venir, vous ; je connais le chemin. Je vas passer la nuit chez Éphrem Surprenant et je reviendrai demain dans l’avant-midi.

Le père Chapdelaine hésita quelques instants, songeant que son vieux cheval avait déjà fait une dure journée ; mais il ne répondit rien et finit par sortir pour atteler une fois de plus. Quelques minutes plus tard, l’homme de science était parti et la famille se retrouva seule comme à l’ordinaire.

Une grande quiétude remplit la maison. Chacun songea avec soulagement : « C’est un bon remède qu’il lui a donné, pareil ! Elle ne se lamente plus… » Mais une heure s’était à peine écoulée que la malade sortit de la torpeur où l’avait plongée le trop faible narcotique, essaya de se retourner et poussa un cri. Tous se levèrent de nouveau, navrés, et se rangèrent