Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/229

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près du lit : elle ouvrait les yeux, et après quelques plaintes aiguës se mit à pleurer bruyamment :

— Oh ! Samuel ! c’est certain, je vas mourir.

— Mais non ! Mais non ! Fais-toi pas des idées de même.

— Oui, je te dis que je vas mourir. Je sens ça, et ce médecin-là n’est qu’un grand simple qui ne sait pas quoi faire. Il ne peut même pas dire quel mal que c’est, et le remède qu’il m’a donné n’était pas un bon remède ; ça ne m’a pas guérie. Je te dis que je vas mourir.

Elle disait cela d’une voix défaillante, entrecoupée de gémissements, pendant que les larmes coulaient sur ses joues grasses. Son mari et ses enfants la regardèrent, atterrés. La peur de la mort envahit la maison. Ils se sentirent isolés du reste du monde, sans défense, n’ayant même plus de cheval pour aller chercher un secours lointain, et leurs yeux se mouillèrent aussi, cependant qu’ils se taisaient et demeuraient immobiles, consternés, comme par une trahison.

Eutrope Gagnon arriva sur ces entrefaites.

— Et moi qui pensais la trouver quasiment guérie, fit-il. Ce médecin-là, donc…

Le père Chapdelaine, hors de lui, se mit à crier :

— Ce médecin-là n’est bon à rien, et je lui dirai bien, moué. Il est venu icitte, il lui a