Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

là, et tant peiner, et tant souffrir ? Pourquoi ?… Et comme elle ne trouvait pas de réponse voici que du silence de la nuit, à la longue, des voix s’élevèrent.

Elles n’avaient rien de miraculeux, ces voix ; chacun de nous en entend de semblables lorsqu’il s’isole et se recueille assez pour laisser loin derrière lui le tumulte mesquin de la vie journalière. Seulement elles parlent plus haut et plus clair aux cœurs simples, au milieu des grands bois du nord et des campagnes désolées. Comme Maria songeait aux merveilles lointaines des cités, la première voix vint lui rappeler en chuchotant les cent douceurs méconnues du pays qu’elle voulait fuir.

L’apparition quasi miraculeuse de la terre au printemps, après les longs mois d’hiver… La neige redoutable se muant en ruisselets espiègles sur toutes les pentes ; les racines surgissant, puis la mousse encore gonflée d’eau, et bientôt le sol délivré sur lequel on marche avec des regards de délice et des soupirs d’allégresse, comme en une exquise convalescence… Un peu plus tard les bourgeons se montraient sur les bouleaux, les aunes et les trembles, le bois de charme se couvrait de fleurs roses, et après le repos forcé de l’hiver le dur travail de la terre était presque une fête ; peiner du matin au soir semblait une permission bénie…

Le bétail enfin délivré de l’étable entrait en