Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/260

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courant dans les clos et se gorgeait d’herbe neuve. Toutes les créatures de l’année : les veaux, les jeunes volailles, les agnelets batifolaient au soleil et croissaient de jour en jour tout comme le foin et l’orge. Le plus pauvre des fermiers s’arrêtait parfois au milieu de sa cour ou de ses champs, les mains dans ses poches et savourait le grand contentement de savoir que la chaleur du soleil, la pluie tiède, l’alchimie généreuse de la terre — toutes sortes de forces géantes — travaillaient en esclaves soumises pour lui… pour lui…

Après cela, c’était l’été : l’éblouissement des midis ensoleillés, la montée de l’air brûlant qui faisait vaciller l’horizon et la lisière du bois, les mouches tourbillonnant dans la lumière, et à trois cents pas de la maison les rapides et la chute — écume blanche sur l’eau noire — dont la seule vue répandait une fraîcheur délicieuse. Puis la moisson, le grain nourricier s’empilant dans les granges, l’automne, et bientôt l’hiver qui revenait… Mais voici que miraculeusement l’hiver ne paraissait plus détestable ni terrible : il apportait tout au moins l’intimité de la maison close, et au dehors, avec la monotonie et le silence de la neige amoncelée, la paix, une grande paix…

Dans les villes il y aurait les merveilles dont Lorenzo Surprenant avait parlé, et ces autres merveilles qu’elle imaginait elle-même confu-