Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/32

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— Samuel Chapdelaine, qui a une terre de l’autre bord de la rivière, au-dessus de Honfleur, dans le bois ?

— C’est ça.

— Et la créature qui est avec lui, c’est sa fille, eh ? Maria…

— Oui. Elle était en promenade depuis un mois à Saint-Prime, dans la famille de sa mère. Des Bouchard, parents de Wilfrid Bouchard, de Saint-Gédéon…

Les regards curieux s’étaient tournés vers le haut du perron. L’un des jeunes gens fit à Maria Chapdelaine l’hommage de son admiration paysanne :

— Une belle grosse fille ! dit-il.

— Certain ! Une belle grosse fille, et vaillante avec ça. C’est de malheur qu’elle reste si loin d’ici, dans le bois. Mais comment est-ce que les jeunesses du village pourraient aller veiller chez eux, de l’autre bord de la rivière, en haut des chutes, à plus de douze milles de distance, et les derniers milles quasiment sans chemin ?

Ils la regardaient avec des sourires farauds, tout en parlant d’elle, cette belle fille presque inaccessible ; mais quand elle descendit les marches du perron de bois avec son père et passa près d’eux, une gêne les prit ils se reculèrent gauchement, comme s’il y avait eu entre elle et eux quelque chose de plus que la