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MARIA CHAPDELAINE
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répètent. Et le sujet en fut tout naturellement l’éternelle lamentation canadienne ; la plainte sans révolte contre le fardeau écrasant du long hiver.

— Les animaux sont dans l’étable depuis la fin d’octobre, et il ne reste quasiment plus rien dans la grange, dit la mère Chapdelaine. Hormis que le printemps n’arrive bientôt, je ne sais pas ce que nous allons faire.

— Encore trois semaines avant qu’on puisse les mettre dehors, pour le moins !

— Un cheval, trois vaches, un cochon et des moutons, sans compter les poules, c’est que ça mange, dit Tit’Bé d’un air de grande sagesse.


« Viens, Chien ; viens, que je te flatte aussi ».


Il fumait et causait avec les hommes maintenant, de par ses quatorze ans, ses larges épaules et sa connaissance des choses de la terre. Huit ans plus tôt il avait commencé à soigner les animaux et à rentrer chaque jour dans la maison sur son petit traîneau la provision de bois nécessaire. Un peu plus tard, il avait appris à crier très fort : « Heulle ! Heulle ! » derrière les vaches aux croupes maigres, et : « Hue ! Dia ! » et « Harrié ! » derrière les chevaux au labour, à tenir la fourche à foin et à bâtir les clôtures de pieux. Depuis deux ans déjà il maniait tour à tour la hache et la faux à côté de son père, conduisait le grand traîneau à bois sur la neige dure, semait et moissonnait sans conseil ; de sorte que per-