Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/55

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pas se fit entendre au dehors ; Chien dressa les oreilles, mais sans grogner.

— Un veilleux, dit la mère Chapdelaine. C’est Eutrope Gagnon qui vient nous voir.

La prophétie était facile puisque Eutrope Gagnon était leur unique voisin. L’année précédente, il avait pris une concession à deux milles de là avec son frère ; ce dernier était monté aux chantiers pour l’hiver, le laissant seul dans la hutte de troncs bruts qu’ils avaient élevée. Il apparut sur le seuil, son fanal à la main.

— Salut un chacun, fit-il en ôtant son casque de laine. La nuit était claire et il y a encore une croûte sur la neige ; alors puisque ça marchait bien, j’ai pensé que je viendrais veiller et voir si vous étiez revenu.

Malgré qu’il vînt pour Maria, comme chacun savait, c’était au père Chapdelaine seulement qu’il s’adressait, un peu par timidité et un peu par respect de l’étiquette paysanne. Il prit la chaise qu’on lui avançait.

— Le temps est doux ; c’est tout juste s’il ne « mouille » pas. On voit que les pluies de printemps arrivent…

C’était commencer ainsi une de ces conversations de paysans qui sont comme une interminable mélopée pleine de redites, chacun approuvant les paroles qui viennent d’être prononcées et y ajoutant d’autres paroles qui les