Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/65

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Il s’excusa de l’heure tardive, mais sans timidité.

— Nous avons campé au bout du portage, dit-il, en haut des chutes. Il a fallu monter la tente et installer les Belges pour la nuit. Quand je suis parti je savais bien que ce n’était quasiment plus l’heure de veiller et que les chemins à travers les bois seraient mauvais pour venir. Mais je suis venu pareil, et quand j’ai vu la lumière…

Ses grandes bottes indiennes disparaissaient sous la boue ; il soufflait un peu entre ses paroles, comme un homme qui a couru ; mais ses yeux clairs étaient tranquilles et pleins d’assurance.

— Il n’y a que Tit’Bé qui ait changé, fit-il encore. Quand vous avez quitté Mistassini il était haut de même…

Son geste indiquait la taille d’un enfant. La mère Chapdelaine le regardait d’un air plein d’intérêt, doublement heureuse de recevoir une visite et de pouvoir parler du passé.

— Toi non plus tu n’as pas changé dans ces sept ans-là ; pas en tout ; mais Maria… sûrement, tu dois trouver une différence !

Il contempla Maria avec une sorte d’étonnement.

— C’est que… je l’avais déjà vue l’autre jour à Péribonka.

Son ton et son air exprimaient que, de l’avoir