Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/64

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nord, ne faisait que se débarrasser avec effort de son lourd manteau froid avant de songer à revivre.

Dix fois, au cours de la journée, la mère Chapdelaine ou Maria ouvrirent la fenêtre pour goûter la tiédeur de l’air, pour écouter le chuchotement de l’eau courante en quoi s’évanouissait la dernière neige sur les pentes, et cette autre grande voix qui annonçait que la rivière Péribonka s’était libérée et charriait joyeusement vers le grand lac les bancs de glace venus du nord.

Au soir, le père Chapdelaine s’assit sur le seuil pour fumer et dit pensivement :

— François Paradis va passer bientôt. Il a dit qu’il viendrait peut-être nous voir.

Maria répondit : « Oui » très doucement, et bénit l’ombre qui cachait son visage.

Il vint dix jours plus tard, longtemps après la nuit tombée. Les femmes restaient seules à la maison avec Tit’Bé et les enfants, le père étant allé chercher de la graine de semence à Honfleur, d’où il ne reviendrait que le lendemain. Télesphore et Alma-Rose étaient couchés, Tit’Bé fumait une dernière pipe avant la prière en commun, quand Chien jappa plusieurs fois et vint flairer la porte close. Presque aussitôt deux coups légers retentirent. Le visiteur attendit qu’on lui criât d’entrer et parut sur le seuil.