Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/70

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eux. Ceux de la Mistassini et de la rivière d’icitte je les connais presque tous, parce qu’ils venaient chez nous avant la mort de « son » père. Voyez-vous, il chassait souvent l’hiver, quand il n’était pas aux chantiers, et un hiver qu’il était dans le haut de la Rivière-aux-Foins, seul, voilà qu’un arbre qu’il abattait pour faire le feu a faussé en tombant, et ce sont des sauvages qui l’ont trouvé le lendemain par aventure, assommé et à demi gelé déjà, malgré que le temps était doux. Il était sur leur territoire de chasse, et ils auraient bien pu faire semblant de ne pas le voir et le laisser mourir là ; mais ils l’ont chargé sur leur traîne et rapporté à leur tente, et ils l’ont soigné. Vous avez connu « son » père : c’était un homme “rough” et qui prenait un coup souvent, mais juste, et de bonne mémoire pour les services de même. Alors quand il a quitté ces sauvages-là, il leur a dit de venir le voir au printemps quand ils descendraient à la Pointe-Bleue avec leurs pelleteries : « François Paradis, de Mistassini, il leur a dit, vous n’oublierez pas… François Paradis. » Et quand ils se sont arrêtés au printemps en descendant la rivière, il les a logés comme il faut et ils ont emporté chacun en s’en allant une hache neuve, une belle couverte de laine et du tabac pour trois mois. Après ça, ils s’arrêtaient chez nous tous les printemps et