Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
MARIA CHAPDELAINE

c’est Lorenzo. Il travaille aux États depuis plusieurs années dans les manufactures.

Chacun examina de nouveau avec une curiosité simple Lorenzo Surprenant. Il avait une figure grasse aux traits fins, des yeux tranquilles et doux, des mains blanches ; la tête un peu de côté, il souriait poliment, sans ironie ni gêne, sous les regards braqués.

— Il est venu, continuait son oncle, pour régler les affaires qui restaient après la mort d’Elzéar et pour essayer de vendre la terre.

— Il n’a pas envie de garder la terre et de se mettre habitant ? interrogea le père Chapdelaine.

Lorenzo Surprenant accentua son sourire et secoua la tête.

— Non. Ça ne me tente pas de devenir habitant ; pas en tout. Je gagne de « bonnes » gages là où je suis ; je me plais bien ; je suis accoutumé à l’ouvrage…

Il s’arrêta là, mais laissa paraître qu’après la vie qu’il avait vécue, et ses voyages, l’existence lui serait intolérable sur une terre entre un village pauvre et les bois.

— Du temps que j’étais fille, dit la mère Chapdelaine, c’était quasiment tout un chacun qui partait pour les États. La culture ne payait pas comme à cette heure, les prix étaient bas, on entendait parler des grosses gages qui se gagnaient là-bas dans les manufactures, et tous