Page:Héricourt - La Femme affranchie.djvu/129

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pas ? Pourquoi ? Parce qu’on en ferait, comme toujours, un détestable usage, si elle était adoptée.

Jusqu’ici ne s’est-on pas servi de classifications basées sar des caractères qu’on a reconnus purement transitoires plus tard, pour opprimer, déformer et calomnier ceux qu’on reléguait dans les rangs inférieurs ?

L’histoire est là pour nous donner ce salutaire enseignement. La ville pédaille, la gent taillable et corvéable à merci, n’était bonne qu’à battre l’eau des étangs et à se laisser tondre jusqu’au vif : où est-elle aujourd’hui ? elle invente, gouverne, légifère et transforme peu à peu notre globe, dévasté par l’espèce supérieure seule capable, en un séjour riant et paisible.

Sur toute classification de l’espèce humaine soit en castes, en classes, en sexes, reposent trois iniquités.

La première est de faire un crime à l’individu rejeté dans la série inférieure, de ne point ressembler au type de convention qu’on s’en est formé, tandis qu’on permet fort bien à l’être, dit supérieur, de ne pas ressembler à son type : c’est ainsi qu’un homme faible, lâche, inintelligent, un modiste, un brodeur, n’en sont pas moins des hommes, tandis qu’une virago, une femme ferme, courageuse, une grande souveraine, une philosophe ne sont pas des femmes, mais des hommes qu’on n’aime pas, et qu’on livre en pâture aux bêtes et aux femmelettes jalouses qui les déchirent.

La seconde iniquité est de se servir du type de convention pour déformer l’être classé dans la série inférieure, pour tuer ses énergies, empêcher son procès. Alors, pour arriver au but, on organise l’éducation, le milieu social, on invente des préjugés