Page:Héricourt - La Femme affranchie.djvu/194

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Je ne commets pas l’iniquité de nier le Droit, puisque je ne le nie pas ; seulement je ne veux pas qu’on le revendique, parce qu’il se suiciderait. Je ne pose pas en principe que tout espèce de Droit ne doit être reconnu que dans la mesure où il est réclamé, puisque je ne vous parle que du Droit politique : il y a des droits qui se posent d’eux-mêmes : tels que ceux de vivre, de se développer, de jouir du fruit de son travail, et il est honteux pour une société de ne pas les reconnaître dans toute leur étendue. Mais on ne s’éveille que plus tard au sentiment du Droit civil, et plus tard encore à celui du Droit politique : tenez donc compte de la marche logique de l’humanité, et ne restez pas dans l’absolu.

Je sais que ce que j’objecte à l’endroit de l’incapacité des femmes est tout aussi vrai de celle des hommes ; mais est-ce une raison, parce que vous avez reconnu le Droit des masses ignorantes qui ne le réclamaient pas, pour que l’on se montre aussi peu sage à l’égard des femmes qui sont dans la même situation ? Je me corrigerai. Messieurs, de ce que vous nommez mon intelligence aristocrate, si je vois vos émancipés politiques comprendre les tendances de la civilisation, et se servir de leur Droit pour faire triompher la liberté et l’égalité, de manière à désespérer les fauteurs du passé. Jusque-là, permettez-moi de garder mon opinion.

Et j’ai gardé mon opinion, Madame ; qui est celle-ci ; l’exercice du Droit politique n’est un moyen de réforme et de Progrès que si ceux qui en jouissent croient au Progrès, s’inquiètent des réformes : dans des dispositions contraires, le vote ne peut être que l’expression des préjugés, des erreurs, des passions ; au lieu