Aller au contenu

Page:Hériot - Une âme à la mer, 1929.pdf/129

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
123
goélette ailée

trop approfondir et cependant comment faire pour ne pas prendre trop au sérieux la vie et les choses qui passent et les êtres qui vous frôlent, puisque nous allons nous-mêmes sans savoir où et pour combien de temps ?

Ce soir, je bénis la destinée d’être en cette baie lointaine, à mon bord solitaire et de pouvoir contempler le clair de lune, le même que l’an passé, verser la même splendeur en sa pâleur nocturne, sur Ailée et sur moi.

L’équipage massé à l’avant parle bas, il respecte le silence et ma tristesse.



Il fait une nuit admirable et un ciel tout lumineux d’étoiles.

La mer est plate, plus un souffle.

Le moteur est inutilisable et nous voici accalminés juste entre terre et les Îles du Levant. Ailée a sa grande voile triangulaire de Cap, sa grande misaine, sa voile d’étai, le flying jib, puis le dragon, la tringuette et le foc, son beau pont s’allonge, s’élargit au milieu de cette splendeur. Ailée est trop belle ainsi !

Le vent a refusé, puis calmi ; par le travers du Lavandou ne gouvernant plus, nous sommes venus en