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une âme à la mer

Il devait appareiller pour le port voisin, devant envisager une location pour le bateau chéri de mon enfance.

Ainsi, non seulement il appartenait à un autre être, mais cet être ne sachant pas assez l’aimer, pouvait s’en séparer à son gré et sans peine, pour récupérer son argent !

En vain, jusqu’au soir, j’essayai de comprendre sans pouvoir y parvenir. Allait-il vraiment me quitter ?

Le lendemain, arriva la confirmation de la fatale dépêche ; j’avais eu le temps de réaliser la tristesse de la vie dans sa compréhension.

Le bateau de mon enfance appareilla, je le vis s’éloigner comme un être qui emporterait mon cœur, assise à l’avant de mon cher voilier svelte et noir, qui retient de grandes ailes pliées ; je le regardai doucement, attristée, comme une figure de proue immuable, qui en a vu bien d’autres.

Le capitaine me salua, le pavillon s’abaissa en salut.

Je restai longtemps à regarder dans le vide, absorbée jusqu’à l’infini.

Je revins lentement à l’arrière de mon voilier, en souriant comme toujours, lorsque cela va très mal.

Comme le port est vide ce matin !