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une âme à la mer

breuses ; leurs vies doivent être meilleures ! ai-je raison ?

Qui a raison ? qui a tort ?

Un grand sanglot, qui voudrait s’échapper de cœur et qui n’ose, m’étouffe.

Je me perds dans toutes ces questions, toutes ces demandes, je les vois seulement sourire et se ressembler, tandis que, moi, je retiens mes larmes, car le bateau que j’aime est en train d’appareiller.

Je vois son capitaine sur la passerelle, commandant les manœuvres ; oui, il a viré les chaînes, la dernière aussière a été larguée et le télégraphe indique maintenant : avant lentement ; et majestueusement, retenant dans la blancheur de sa coque les derniers rayons du soleil, il s’éloigne étincelant et magnifique.

Le jazz est de plus en plus trépidant ; les danseurs plus nombreux ; l’atmosphère est remplie de fumée bleue et de parfums.

L’air est irrespirable. Mon cœur et mes yeux de marin, essaient d’analyser ces choses. Mon cœur me fait mal, et mes yeux me brûlent. Comme je suis différente de tous ces gens-là, étrangère parmi ces étrangers.

Oui, j’ai revêtu le vêtement bleu et blanc, la dure cheviotte foncée, qui ne s’éclaire que par ses boutons d’or.

Il dit à tous ma dévotion pour mon métier, et il me garde bien de tous les contacts de la terre.