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Page:Hériot - Une âme à la mer, 1929.pdf/173

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le bateau de mon enfance

Et je pense qu’il est étrange que je puisse dire que jai deux embarquements à la fois.

Un réel, qui est devenu l’essentiel de ma vie, et l’autre fictif, fait de rêves et d’illusions, qui m’est encore plus doux que le premier.

Je veux me consoler de ne pouvoir plus avoir un grand et beau bateau comme celui de mon enfance, car dans la vie, les choses et les êtres sont rarement à leur place.

Les personnes qui pourraient avoir les plus beaux bateaux du monde, n’aiment rien.

Il y en a d’autres qui pourraient les avoir, mais qui n’aiment pas la mer.

Ceux qui ont des bateaux comme celui de mon enfance, ne comprennent rien, à la mer, en ont peur et habitent leur bateau dans les ports par snobisme !

Ceux qui adorent la mer et ne peuvent se passer d’elle, sont généralement pauvres.

Ceux qui pourraient naviguer scientifiquement avec leur intelligence, n’ont pas la fortune de le faire.

Je ne me plaindrai jamais plus, car j’ai donné ma vie à la mer, et je puis armer mes voiliers !

Les êtres m’ont trop déçue, je ne parlerai plus d’eux.

La terre ne m’a apporté que déceptions et peines, je l’ignorerai désormais.