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Page:Hériot - Une âme à la mer, 1929.pdf/191

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le bateau de mon enfance

dehors de mon métier. Tout suinte l’ennui, pour moi, dans les villes, tout me semble mesquin et faux, les yeux sont tous différents de leur vrai eux-mêmes.

Il m’est impossible de les comprendre, et naturellement nous ne pouvons plus correspondre.

Nous sommes devenus trop différents.

Oui, je vois, est-ce parce que tu es mon amie d’enfance mais je te comprends.

Oui, toi, tu comprends aussi, mais ils sont rares ceux qui habitent la terre et comprennent la vie et la mentalité des marins. Mais les autres ! les chers autres, les marins, ceux-là ne forment qu’une grande famille. Maîtres, amis, frères, compagnons, nous n’avons pas à parler pour correspondre ; en nous regardant, nous savons ; et j’ai l’honneur maintenant d’être de cette phalange ! J’ai tout donné à la mer, vois-tu, et ma vie aussi. Mon amour dépasse ma petite existence ; combien de fois l’ai-je risquée pour elle !

Refroidissement à l’étranger, continuant mes engagements et mes régates et ne m’arrêtant qu’à mon arrivée en France, lorsque c’était presque trop tard, une autre fois la mort et la vie me sourirent en même temps.

Je choisis celle qui m’emportait en ne m’éloignant