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Page:Hériot - Une âme à la mer, 1929.pdf/190

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une âme à la mer

gne de commander à l’âme de ce bateau : j’en souffre, car je sais ce qu’il vaut, ce qu’il donnerait en naviguant bien, si en le découvrant on lui donnait la chance de montrer son cœur. Mais entre de telles mains il restera l’inconnu hostile.

Je comprends ; la mer est peuplée d’amis pour toi comme la ville que j’habite.

Alors ton meilleur ami est ton bateau ?

Oh ! oui je l’aime beaucoup plus que moi-même !

Il passe ; avant tout, mon souci est de lui plaire, je devine ses moindres désirs, je le sers de mon mieux, pour être devenue tout à fait homogène, je me suis modifiée.

Mon voilier et moi ne faisons qu’un maintenant. Nous avons mis une année à nous étudier et à nous connaître.

Son âme est volontaire et exigeante, mais elle est si belle ! et elle me rend au centuple ce que la mienne lui donne.

Tu es devenue, amie, différente d’autrefois.

Je me suis en effet beaucoup changée. J’ai navigué, j’ai évolué sur la mer. Je suis devenue très simple, toute simple, la franchise et la volonté sont mes compagnes de quarts, et puis rien ne peut m’intéresser en